29 mais 2020
Sailyn Fernández, journaliste vénézuélienne et leader Wayuu : Objectivement il est difficile de savoir si ce phénomène dramatique (certaines estimations parlent de 4800 mineurs morts de malnutrition au cours des huit dernières années, notamment dans la zone colombienne, la plus grande et la plus désertique) se poursuit dans cette période de confinement. Ce qui est certain, c’est que l’abandon de ce département par les autorités gouvernementales s’aggrave encore ces dernières semaines avec le manque d’eau, de nourriture et de ressources économiques, ainsi qu’un système de santé pratiquement inexistant. Les communications sont également problématiques comme nous le vivons nous-mêmes pour faire un interview, cela peut prendre jusqu’à une semaine, entre les lignes téléphoniques et internet qui s’interrompent et les pannes fréquentes.
Rafael Morales, curé de San Rafael de El Moján et vicaire épiscopal de La Guajira au nom de l’archidiocèse de Maracaibo au Venezuela : La vie des wayuu peut difficilement coïncider avec un confinement puisque leur subsistance dépend de chaque jour, ils sont obligés de sortir pour chercher de l’eau et de la nourriture. Il y a quelques mois, certains produits alimentaires et combustibles quittaient le Venezuela pour la Colombie, aujourd’hui l’inverse se produit. Pour manger, les gens demandent une sorte de « passe-droit », une taxe informelle pour chaque véhicule qui passe. Ce n’est pas de l’argent qu’ils demandent, mais n’importe quel produit alimentaire.
Le prêtre confirme : Jusqu’à présent, parmi les wayüu, les seuls cas suspects concernent deux habitants de la ville de Maracaibo. Ici, dans notre région, il n’y a pas de cas, mais il y a une grande peur latente, liée au retour des migrants qui passent ici. Il n’y a pas de moyens pour traiter et aider ceux qui tombent malades. Heureusement, nous avons ici des organisations internationales, telles que le HCR, la Croix-Rouge, Caritas, l’Unicef. La population Wayuu est très vulnérable, d’une part pour les nombreuses personnes âgées et d’autre part pour la malnutrition chronique. La pastorale sociale Caritas du diocèse de Riohacha, la capitale de la Guajira en Colombie, aide également certaines familles vénézuéliennes. Récemment nous sommes allés dans une communauté indigène où, sur 1 500 enfants, 86 ont montré une malnutrition sévère et environ 250 dénutrition plus modérée. Concernant la situation des migrants qui reviennent au Venezuela leur situation est dramatique. Beaucoup arrivent à pied, par des passages illégaux. Ils sont volés, maltraités, victimes de traite et de criminalité. Ils ont été forcés de quitter les pays -Colombie, Equateur, Pérou - où ils n’étaient pas en mesure de subvenir à leurs besoins pendant le confinement.
Remedios Uriana, leader Wayuu qui travaille à Bogotá : Ce n’est pas vrai qu’il n’y a pas d’eau et de ressources à La Guajira, le problème c’est que cette région est pillée et que les aides disparaissent dans la corruption. À l’heure actuelle, le confinement a rendu tout plus difficile et de nombreuses personnes de notre peuple sont incapables de sortir et de travailler.