La relation partenariale solidarité Colombie

Le territoire pour penser une relation de développement et de transformation sociale

1. Une pratique qui s’est formée pas à pas depuis 2013

Nous l’avons d’abord construite avec une communauté Wayuu, la rancheria Cachaca III en Guajira, dans une relation de transformation sociale, avec ses habitants et sa leader communautaire Clarena Fonseca.
C’est dans une première visée d’aide et apports à l’école de la rancheria, suite à la demande faite par sa leader au cours de notre première rencontre en mars 2013, que s’est constituée notre association, domiciliée à Toulouse, que des dons financiers apportés par des ami-es et relations des fondateurs ont commencé d’être récoltés.
A partir de 2014 et jusqu’à aujourd’hui, cette première relation a évolué avec des apports pour la pêche côtière collective, vitale pour la vie de la communauté, puis par une action sur trois ans qui a permis la réalisation d’équipements d’accès à l’eau douce et de moyens techniques pour l’agriculture familiale dans un milieu semi-désertique et de terres salées.
Nous avons travaillé sur toute la durée de cette visée avec un prestataire de grandes qualités techniques et humaines, l’entreprise AIGOS, dirigée par Stéphane Roux et assisté de Laura Lopez.
Le « savoir être » que nous avons adopté dès 2013 :
Toute action doit se fonder sur une demande de réponse à un besoin exprimé par la communauté ou sa leader.
Toute réponse doit faire l’objet d’une délibération avec l’ensemble ou la plus grande partie de la communauté, en présence de l’autorité et de la leader, délibération en traduction simultanée espagnol-wayuunaiki.
Toute décision doit être adoptée à la majorité des membres présents.
Confiance, respect mutuel, reconnaissance des pratiques culturelles et cosmologiques, des savoirs et habitudes de vie sont la base de la relation.
Réciprocité et durabilité doivent guider toute action engagée.
Des actions d’information, de plaidoyer et d’échanges culturels et artistiques doivent être régulièrement menées en régions Occitanie et Ile de France (les deux régions où adhérents, alliés et soutiens de l’association sont majoritaires).
Ainsi, c’est au cours de ces six années de recherches, de réalisations, de tâtonnements et parfois d’erreurs que nous nous sommes peu à peu formés à la relation partenariale.

2. La relation partenariale

2a. Le partenariat
Il caractérise la relation qui s’établit entre notre association et une organisation en Colombie.
Une relation basée sur la confiance mutuelle et la réciprocité, destinée à concrétiser l’intuition initiale de transformation sociale et de reconnaissance d’un territoire avec et par celles et ceux qui y vivent. Cette intuition et ses concrétisations sont forgées dans un processus évolutif avec les populations concernées en tenant compte des réalités, des besoins et des attentes.

2b. Un mode d’organisation
Il s’appuie sur des horizons que les partenaires se fixent afin d’agir sur les causes structurelles des problématiques identifiées. Leur formulation permet de structurer la pensée pour une organisation citoyenne, de la faire vivre dans le temps et de lui donner les moyens pour déclencher de véritables processus de changements.
Les interrelations entre organisations qui partagent ce mode et ses actions possibles sont recherchées et peuvent faire l’objet de mises en commun.

3. Pour les trois années 2020 à 2022 nous avons choisi
Lucas Rodriguez et le Colectivo Sugamuxi comme partenaire. Pourquoi ?
L’expérience acquise en Guajira, mais aussi dans la rencontre avec d’autres territoires de la Colombie, nous a appris que la notion de territoire recouvrait un champ très large de réalités géographiques, sociales, économiques, culturelles et de savoirs.

Le territoire est ce lieu où des gens vivent, se déplacent et traversent, où de multiples relations s’exercent, parfois sans se connaître. Relations avec des mondes du vivant, des éléments naturels, des lignées et ancêtres, des représentations et œuvres symboliques, avec des savoirs enfouis ou encore à l’œuvre, avec des reconnaissances et des transformations en attente.
Le territoire est un tissus commencé depuis fort longtemps et dont le tissage est à continuer. Le territoire se fait et se marche.
L’opérateur du projet ce n’est pas Crear Escuela en Colombie, c’est l’un ou plusieurs de ceux qui déjà le vivent et le marchent et la Corpo Guaman Poma est l’un de ceux-là.

Nous intervenons sur plusieurs plans : bailleur de fonds, à notre mesure et capacité qui sont modestes, partenaire de réflexion et d’actions. Il est important de veiller à ce que notre partenaire-opérateur garde son autonomie de pensée et d’action. Ceci est gage de légitimité et d’efficacité.
Le Colectivo Sugamuxi, grâce à ses acteur et parmi ceux-ci Lucas Rodriguez et Angela Atuesta, œuvre depuis plusieurs années dans le Boyaca, réalise des ateliers et stages de formation aux disciplines de l’image et de l’audiovisuel, mène des études et transcriptions cartographiques et de savoirs, réalise et diffuse des œuvres cinématographiques. Lucas Rodriguez travaille aussi dans ces domaines avec des communautés paysannes et indigènes du Putumayo, du Cauca, du Cundinamarca et du Pérou et de l’Équateur. Par conséquent, la vision et la stratégie de l’organisation sont produites par eux. Nous les accompagnons dans le développement de leur projet coopératif, nous questionnons et participons à son développement, son aboutissement est un processus en marche et qui leur revient.

Le partenariat de création d’une école de l’image à Aquitania sur le territoire du lac de Tota et ses paramos, et de récolte des savoirs et espérances des paysans, partenariat dans lequel nous nous engageons, est donc un processus de prise en main et de mise en commun par les citoyens, c’est à dire une dynamique qui invite les partenaires à être acteurs de leurs propres projets et de leurs propres vies.

4. Quatre critères ont défini ce choix

Nous sommes une association de petite taille, aux moyens financiers et humains modestes. C’est notre volonté, nous n’avons pas pour ambition de devenir ONG, nous ne voulons pas multiplier les terrains d’action mais rester au plus près d’une réalité locale, ses habitants et leurs initiatives. Nous savons aussi que le local n’est jamais très loin de l’international, le mondialisme à l’œuvre en montre tous les jours ses effets, certains bénéfiques mais hélas aussi destructeurs pour beaucoup. Ce qui défini notre choix est tout à la fois ambitieux et à la mesure de nos capacités forgées dans l’histoire de notre association et dans celles de ses membres acteurs sur le terrain.

4a. Le caractère collectif et le potentiel
de transformation sociale comme critère prioritaire
Acteur collectif, le partenaire œuvre à provoquer et développer des évolutions socio-économiques, des compétences personnelles et collectives.
Pour qu’il ait un tel impact, le partenaire doit posséder un ancrage dans le territoire où il exerce ainsi que plus globalement dans la société, qu’il ait une capacité de résonnance. Cela passe à travers ses interactions avec la population locale, avec d’autres populations du pays où il intervient, ses réseaux d’artistes de l’image, du son, de la musique, de scientifiques (géographes, archéologues, anthropologues), de représentants de paysans et de communautés indigènes, des droits humains.
Il faut, et c’est l’une des choses les plus importantes, qu’il soit habité par l’importance de travailler avec des acteurs du changement social, de la reconnaissance des territoires et des cultures qui l’habitent.

4b. L’art et la création comme acteurs déterminants
de la transformation sociale
Acteur artistique, le partenaire a la capacité de proposer des processus de formation, de réalisation et de création artistiques, en particulier dans les domaines de l’image qui invitent au travail du collectif. Rendre compte des réalités d’un territoire au travers de réalisations documentaires, des attentes et luttes de ceux qui y vivent et veulent le protéger, l’améliorer ; mettre en résonnances ses réalisations avec d’autres lieux, d’autres groupes humains, faire diffusion et échanges.

4c. Le respect de l’autonomie de chacun
Nous soutenons uniquement des acteurs de la société civile, notre partenariat se noue d’organisation à organisation. Nous ne fonctionnons pas selon une logique d’opérateur de projets, ni d’appel à projets. Nous accompagnons l’organisation de société civile dans la précision de son projet, sa mise en œuvre, la diffusion et la mise en résonnances de ses réalisations, tout en veillant à respecter sa souveraineté dans l’action.
Nous veillons également à une bonne articulation du projet avec les enjeux vécus par les populations locales et, en particulier, les populations les plus vulnérables.

4d. Le partage d’une vision globale du développement et des valeurs communes
Bien plus qu’un simple contrat d’objectifs ou de résultats à réaliser, le partenariat s’inscrit dans une relation humaine collective et avec des personnes individuelles. La vision de la place des hommes et des femmes dans la société, la priorité aux plus exposés, aux plus précaires socialement, le dialogue interculturel, la reconnaissance de territoires indigènes et paysans, des différentes cultures et cosmogonies, la défense de l’environnement, une meilleur répartition des richesses, la défense d’une approche par les droits, l’art comme acteur de transformation sociale, voici qui donnent sens aux actions communes de Crear Escuela en Colombie et de ses partenaires.
La convergence d’intérêts communs, la visée de communs à réaliser, s’appuyant sur des réalités vécues ici et là-bas est un élément essentiel de la relation.
Une relation qui s’établie dans la durée, sur la base de valeurs et d’objectifs communs et d’un dialogue fondé sur la confiance et la volonté de réussir ensemble la coopération.
Convergence n’implique pas accord sur tout. Dans le partenariat chaque organisation est autonome. Les prises de position de l’un n’impliquent pas nécessairement l’autre, la reconnaissance des différences est essentielle.

5. Une relation qui va vers la réciprocité.

Au sein de la relation de partenariat il y a la notion d’apport mutuel, de développement mutuel, de relation à double sens et de réciprocité. C’est essentiel pour se situer hors de toute relation de domination ou de surplomb de l’un sur l’autre, surtout en Amérique latine ou les cicatrices du colonialisme sont encore ouvertes, et pour aussi promouvoir une relation la plus horizontale possible.
Les principes de co-action et de co-construction exigent un dialogue constant entre partenaires, des concertations régulières et la construction, dans la durée, d’une relation forte et de confiance basée sur le respect et la liberté permanente de chaque partenaire à prendre ses décisions de façon autonome et de le laisser libre de ses choix.

6. Un engagement dans le temps

La durabilité est une notion clé. Les structures, tout comme les visées et leurs actions, ont besoin d’un certain nombre d’années pour avoir un impact réel de réalisation. Pour les coopérations dans lesquelles nous nous engageons, et compte tenu de la modestie de nos moyens et capacités, trois ans nous semble être un temps minimal. Mais il est aussi important de savoir se donner un terme afin de ne pas instaurer une relation de dépendance. Nous connaissons le dicton des comédiens : « Sortir de scène est plus difficile que d’y entrer ».

7. Les alliés

Ils sont de plusieurs ordres et répondent à des besoins et actions différents.

7a. Alliés pour des financements
Pour financer nos visées les dons des membres de l’association sont le premier apport sans lequel d’autres financements ne peuvent être possibles. Ils sont notre socle.
Des structures nationales, régionales, locales ont compétences pour apporter des financements sous la forme de subvention. La subvention implique une relation de réciprocité, de transparence et d’évaluation. Elle n’entre pas dans une relation d’appel à projet dans laquelle notre association serait prestataire de service, rôle qui serait en contradiction totale avec la mission de solidarité internationale.

7b. Alliés en réseaux
Pour des moments « chemins partagés » de réalisations particulières, tel le Tandem solidaire avec le Lycée Saliège à Balma, de diffusion et d’information, comme avec Les Vidéophages, ARCALT-Cinélatino ou Latinodocs, d’étude comme avec l’IPEAT Université Jean Jaurès, de solidarité internationale comme avec Occitanie coopération ou France Amérique latine.

Partenaires

Rancheria Wayuu Cachaca III

Représentante Clarena Fonseca, leader indigène de la rancheria.

Collectif Sogamuxi École de l’image

Représentant Lucas Rodriguez, artiste de l’image, formateur aux (...)